Erol GIRAUDY: Focus sur le Prince Sabahaddin.

La géopolitique turque à travers l'histoire : focus sur le Prince Sabahaddin.

L'importance des ouvrages historiques :

Les livres traitant de sujets géopolitiques offrent souvent des perspectives essentielles pour comprendre l'évolution des nations. L'ouvrage "Histoire de la Turquie" de Hamit Bozarslan en est un excellent exemple. Ce livre présente une chronologie détaillée couvrant la période de 1290 à 2022, permettant une compréhension approfondie de l'histoire turque.

Particulièrement remarquable sont les pages 647 et suivantes, qui proposent une vision croisée des événements sur quatre colonnes : Périodes - Empire ottoman/Turquie - Moyen-Orient/monde musulman - Europe et monde.

Cette présentation facilite l'identification des points de bascule historiques en mettant en parallèle les événements survenus dans différentes régions. Notamment l’influence de certains traités et accords secrets, comme ceux de « Sèvre et Sykes-Picot ».

Le Prince Sabahaddin : une figure controversée de l'histoire turque :

Parmi les personnages marquants de l'histoire turque, le Prince Sabahaddin occupe une place particulière. Neveu du Sultan Abdul Hamid II, il fut contraint de fuir l'Empire ottoman à la fin de 1899 avec son frère et son père, suite à un différend avec le Sultan.

Carrière et idéologie.

Sociologue et intellectuel, Sabahaddin représentait une menace pour la dynastie ottomane en raison de son activité politique et de sa volonté de promouvoir la démocratie à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.

Il fut l'un des fondateurs de l'éphémère Parti de la liberté et s'opposa au Comité Union et Progrès.

Son projet politique pour une Turquie démocratique s'inspirait des théories sociales de Frédéric Le Play et d'Edmond Demolins, prônant la décentralisation et l'initiative privée.

Exils successifs :

La vie du Prince Sabahaddin fut marquée par plusieurs périodes d'exil :

1. En 1909, il dut fuir suite à l'interdiction de son parti.

2. Pendant la Première Guerre mondiale, il dirigea l'opposition en exil en Suisse romande.

3. En 1919, il retourna brièvement à Istanbul, nourrissant l'espoir de réaliser sa vision politique.

4. En 1924, il fut définitivement banni par le Mouvement national turc, dirigé par Mustafa Kemal (futur Atatürk).

5. Après l'établissement de la République de Turquie en 1923, une loi du 3 mars 1924 expulsa tous les membres vivants de la Maison d'Osman, contraignant Sabahaddin à vivre en exil en Suisse.

Héritage et influence :

Le Prince Sabahaddin a joué un rôle important dans la diffusion de certaines idées spirituelles et philosophiques. Notamment, il a présenté John G. Bennett à G.I. Gurdjieff en 1920 à Istanbul, une rencontre qui a profondément influencé Bennett.

Ce dernier a par la suite étudié et diffusé les enseignements de Gurdjieff. Sabahaddin a également initié Bennett à divers systèmes religieux et occultes, contribuant ainsi à élargir ses horizons spirituels et intellectuels.

Leur rencontre s’est produite après la Première Guerre mondiale, alors que Bennett travaillait comme officier de renseignement à Istanbul.

Fin de vie :

En 1919, Sabahaddin retourne à Constantinople avec l’espoir de concrétiser sa vision politique, mais il est interdit en 1924 par le Mouvement national turc, victorieux sous Mustafa Kemal Atatürk. Son projet pour une Turquie démocratique incluait des mesures de décentralisation et d’initiative privée, s’inspirant des théories sociales de Frédéric Le Play et Edmond Demolins. Après la fondation de la République de Turquie en 1923, il est exilé par une loi du 3 mars 1924 qui expulse tous les membres vivants de la dynastie ottomane. Dès lors, Sabahaddin vit en retraite en Suisse. Dans son autobiographie The Witness (1962, première édition ; 1974, deuxième édition révisée), John G. Bennett mentionne que, dans ses dernières années, en raison de frustrations, de déceptions et de l’exil.

Lorsqu’il est déporté de la dynastie en 1924, il s’exile pour la troisième fois à l’âge de 46 ans avec sa mère et son frère Lütfullah Bey. Ils sont allés en ferry jusqu’à Constanta, et de là à Paris. Puis il s’installe à Londres.

Sa mère, Seniha Sultane, qui dormait dans les parcs, est morte à Nice peu de temps après son exil.

En exil, il a essayé de survivre. En raison de sa maladie, il se rendit d’abord au sanatorium. Puis il a vécu dans un village désert. Dans la terrible calamité du manque d’argent, il avait réduit sa nourriture quotidienne à un seul repas.

Finalement, le 30 juin 1948, il s’éteint dans la misère dans un village de montagne appelé Colombier, près de Neuchâtel.

Il avait 71 ans. Son corps a été ramené à Istanbul en 1952 et enterré près de la tombe d’Âdile Sultane par Eyüp Sultan sur décision du Conseil des ministres.

Malheureusement, les dernières années de la vie du Prince Sabahaddin furent marquées par la frustration, la déception et l'exil. Selon John G. Bennett, dans son autobiographie "The Witness" (1962, première édition ; 1974, deuxième édition révisée et augmentée).